19 août, Journée mondiale de l’aide humanitaire : quand solidarité et politique se croisent

Le 19 août, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale de l’aide humanitaire, en hommage aux travailleurs et travailleuses de l’humanitaire qui, partout dans le monde, viennent en aide aux populations affectées par les crises, les guerres et les catastrophes naturelles. Cette journée rappelle l’importance d’une solidarité sans frontières, d’une réponse immédiate aux urgences vitales, là où la vie et la dignité humaine sont menacées.
Mais au-delà de l’urgence, l’aide humanitaire s’inscrit dans un continuum plus large : celui de l’aide au développement. L’une répond à l’immédiateté – sauver, protéger, soulager. L’autre vise le long terme – construire, transformer, réduire les inégalités. En théorie, elles se complètent. En pratique, leurs logiques peuvent entrer en tension, surtout lorsque l’aide au développement devient un instrument au service d’intérêts politiques, en particulier ceux liés à la gestion des migrations.
Depuis plusieurs années, l’Union européenne et d’autres pays du Nord conditionnent une partie de leur aide au développement à la coopération des pays partenaires du Sud dans la lutte contre l’immigration dite « irrégulière ». Des programmes tels que le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique en sont l’illustration : derrière l’objectif de « s’attaquer aux causes profondes des migrations », on retrouve aussi la volonté de limiter les départs vers l’Europe.
Cette orientation interpelle. Car si l’aide humanitaire repose sur un principe de neutralité et de primauté des besoins des populations, l’aide au développement, lorsqu’elle est instrumentalisée, risque de se détourner de sa finalité : soutenir les communautés locales dans leur propre projet de société. On voit émerger une logique conditionnelle où l’accès à des financements dépend de l’acceptation d’accords de réadmission, d’un contrôle accru des frontières ou d’une collaboration avec des agences sécuritaires.
Quand l’aide est subordonnée à des objectifs sécuritaires, ce sont des besoins cruciaux qui sont mis entre parenthèses. C’est la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire qui passent au second plan. Tout cela renforce les frustrations et les inégalités que l’on prétend combattre.
Cette situation soulève une question éthique fondamentale : à qui profite réellement l’aide ? Aux populations vulnérables qu’elle est censée soutenir ? Ou aux pays donateurs soucieux de contenir des flux migratoires ? Les critiques pointent le risque de transformer certains pays du Sud en « zones tampons », au détriment des droits des migrants et de l’autonomie des sociétés locales.
À l’occasion de cette Journée mondiale de l’aide humanitaire, il est essentiel de rappeler que la solidarité internationale ne peut être crédible que si elle place l’humain au centre. Une refonte des priorités est nécessaire : orienter l’aide au développement selon les besoins exprimés localement, renforcer les mécanismes de coopération équitable, et reconnaître la migration non pas comme une menace à endiguer, mais comme une réalité humaine et sociale qui, bien encadrée, peut être un moteur de développement partagé.
Humanitaire ou développemental, l’enjeu est le même. Il s’agit de défendre la dignité, réduire les vulnérabilités et construire un avenir plus juste. Mais cela suppose de sortir d’une logique d’instrumentalisation pour renouer avec l’esprit premier de l’aide : la solidarité universelle.
Fabrice CIACCIA
Directeur du CRI Charleroi
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