
57 %
Ce chiffre tourne en boucle. « 57 % des exclus du chômage ne sont pas Belges », répétés comme une sentence galactique. Plus de 100.000 personnes étrangères vont perdre leurs allocations dans les deux prochaines années. Mais que faut-il voir derrière ce chiffre ? Et si on évoquait la conséquence prévisible d’un système qui discrimine avant même de réformer.
57 % d’étrangers parmi les futurs exclus ? Voilà de quoi nourrir, une fois encore, le vieux fantasme de « l’assisté venu d’ailleurs ». Mais à y regarder de plus près, ce chiffre n’a rien d’un révélateur moral. Ce chiffre est un miroir statistique des inégalités structurelles.
Les personnes issues de l’immigration sont plus nombreuses dans les emplois précaires, dans les contrats instables, dans les quartiers où l’emploi ne revient jamais.
Elles sont aussi plus souvent discriminées à l’embauche : à CV égal, un nom « non belge » réduit de moitié les chances d’obtenir un entretien. C’est Unia qui le dit, pas nous.
Alors, que la réforme du chômage les touche davantage n’a rien d’« étonnant » : c’est mathématique. Quand on fragilise déjà les plus fragiles, toute nouvelle secousse les jette par terre.
Unia parle de « double peine ». Le mot est juste, et terrible. On punit ceux qui n’ont jamais eu les mêmes chances. On retire le filet de sécurité à ceux qu’on a empêchés de monter sur le trapèze.
Le ministre évoque le « cercle vertueux du travail ». Mais pour beaucoup, ce cercle est une porte close.
Comment y entrer quand on ne reconnaît pas votre diplôme, quand on vous refuse un emploi pour votre accent ou votre voile, quand vous avez 58 ans ou un handicap reconnu ? L’impact différencié de cette réforme sur les publics vulnérables ? On réforme d’abord, on comptera les dégâts après.
Cette réforme ne parle pas d’emploi, elle parle de contrôle. Elle repose sur une idéologie qui transforme les droits sociaux en privilèges conditionnels, et le public en suspects permanents.
Le discours du « mérite » se marie ici à la suspicion du « fraudeur ». Des contrôles nocturnes à l’aéroport d’Ostende vérifient que des chômeurs ne rentrent pas de l’étranger.
La peur, pousserait-elle vers l’emploi ? Pendant ce temps, les véritables leviers que sont la lutte contre les discriminations, les formations qualifiantes, la reconnaissance des compétences ou l’accompagnement linguistique restent sous-financés ou purement déclaratifs.
57 %, ce n’est pas le pourcentage d’étrangers à « dépendance excessive ». C’est le taux d’échec d’un système qui prétend être universel mais reproduit les inégalités. C’est le reflet d’une société où les origines et les réformes dites « neutres » peuvent être, dans leurs effets, profondément injustes.
Fabrice CIACCIA, Directeur du CRI Charleroi






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