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SAUDADE #38 : Le feu, la fête, et les illusions

C’est arrivé en pleine nuit.  On entendait déjà les beats.  Les lasers étaient testés.  On imaginait déjà les corps fluos dansant dans un monde suspendu

Et pourtant à une nuit d’intervalle, un autre feu s’est allumé.  Pas celui des projecteurs ni de l’extase.  Un feu qui ronge, qui consume, qui rappelle que sous le vernis des festivals, des slogans et des story Instagram, ça brûle.

À Tomorrowland, on parle d’un incident technique d’un court-circuit.  Mais peut-on parler d’accident quand tout est conçu sans réellement penser à ce qui chauffe derrière ?
Quand l’on construit des mirages pour oublier le réel, il arrive qu’il se rappelle à nous en flammes et en fumée.

La Belgique de cette fin du mois de juillet 2025 ressemble étrangement à cette scène de festival.
Une mise en scène impeccable : promesses d’activation, de mérite, de justice budgétaire.

Et au fond, n’est-ce pas un feu social qu’on attise ?  Limiter les allocations de chômage à deux ans, comme si la précarité avait un minuteur.  Comme si le marché de l’emploi accueillait tout le monde, bras ouverts, avec contrat à la clé et dignité en bonus.  Comme si les fractures sociales se résorbaient par décret.  Comme si chacun, par la seule force de volonté, pouvait échapper à l’effritement d’un monde du travail en crise lente.  Comme s’il suffisait de traverser la rue….

Sous les spots, le sol se crevasse.  C’est l’histoire d’un pays qui a cessé d’écouter ceux qui ne dansent plus.  C’est l’histoire d’un État qui croit que la pauvreté se combat à coups de « délais », d’« ultimatums ».  Deux ans…  Et puis quoi ?  La débrouille. Le CPAS ?  Ou d’autres solutions évoquées au parlement et que nous ne reprendrons pas… 

L’angoisse.  L’angoisse pour ses enfants…  Car finalement qui en paiera le prix ? L’angoisse comme playlist Spotify quotidienne.  (Spotify…  Il y aurait de quoi en parler justement…)

Pendant que les chanceux font encore la fête, une partie de la population regarde déjà le décor s’effondrer.  Les gradins se vident. Les structures craquent.  Et toujours cette voix officielle du communiqué de presse qui dit : tout va bien.  C’est une question de temps.  On a un plan.  Un plan ? Continuez de danser.

Mais il y a des feux qui ne s’éteignent pas.  Les quartiers crépitent.  L’angoisse augmente dans ces familles qui ne comptent plus, dans les silences que les caméras n’enregistrent jamais.  L’espoir se consume. La démocratie en sourdine.

Le feu de Tomorrowland était spectaculaire. Celui des exclusions sociales est plus lent, plus discret mais bien plus profond.

Et le numéro des pompiers sonne… occupé.

Fabrice Ciaccia, Directeur

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