
Journée mondiale des migrants du 18 décembre 2025 : « Ma grande histoire : cultures et développement »
Chaque 18 décembre, la Journée mondiale des migrants nous invite à regarder autrement les parcours migratoires. En 2025, le thème choisi est « Ma grande histoire : cultures et développement ». Il nous rappelle que derrière chaque trajectoire migratoire se cache une histoire singulière, faite de ruptures et d’espoirs, mais aussi une histoire collective qui façonne nos sociétés, nos cultures et notre avenir commun.
La migration n’est pas un phénomène marginal ou passager. Elle est l’une des forces déterminantes de notre siècle. Elle contribue au développement économique mondial, comme en témoignent les envois de fonds vers les pays à faible et moyen revenu, qui atteignent des montants records. Elle répond aux pénuries de main-d’œuvre, stimule l’innovation, soutient la stabilité démographique et nourrit la créativité culturelle. À Charleroi comme ailleurs, nos quartiers, nos écoles, nos entreprises et nos associations vivent déjà de cette diversité.
Pourtant, ces apports indéniables ne peuvent déployer tout leur potentiel que si la migration est pensée, organisée et accompagnée de manière juste. Une migration sûre, n’est pas un luxe : c’est une condition essentielle pour la cohésion sociale. L’accès aux droits, aux papiers, à la reconnaissance des diplômes, à un logement digne ou à un emploi décent n’est pas seulement bénéfique pour les personnes migrantes ; il l’est pour l’ensemble de la société. Une migration bien accompagnée renforce la résilience collective.
Mais il serait illusoire de parler de migration, de cultures et de développement sans interroger nos propres cadres de pensée. Car les obstacles à l’inclusion ne sont pas uniquement administratifs ou économiques ; ils sont aussi symboliques, culturels et historiques. Les migrations actuelles s’inscrivent dans une longue histoire marquée par la colonisation, les rapports Nord-Sud et des hiérarchies toujours à l’œuvre. Décoloniser les esprits devient alors un enjeu central.
Décoloniser les esprits, ce n’est pas seulement revisiter le passé colonial ou reconnaître des injustices historiques. C’est un processus vivant d’émancipation collective. Il s’agit de se libérer des représentations héritées qui continuent d’influencer nos regards, nos discours et nos institutions. Trop souvent, les personnes migrantes sont encore enfermées dans des récits hérités d’une vision coloniale du monde où certains seraient naturellement dominants et d’autres condamnés à la marge.
À l’inverse, nous proposons un autre chemin qui part du vécu, des récits et des expériences des personnes concernées. Nous ne souhaitons pas transmettre un savoir figé, mais construit collectivement à partir du croisement des savoirs.
Décoloniser les esprits, c’est d’abord redonner une parole propre. C’est permettre à chacun et chacune de se raconter selon ses mots, ses références et ses valeurs, sans être assigné à des identités réductrices. C’est aussi reconnaître les apports culturels, intellectuels et sociaux des migrations comme des richesses à part entière.
C’est ensuite créer les conditions d’une rencontre authentique. Tant que persistent des mentalités coloniales, les relations restent biaisées par des préjugés et des rapports de domination. S’en libérer, c’est ouvrir la voie à un véritable vivre-ensemble fondé sur l’égalité, la dignité et la reconnaissance mutuelle.
Enfin, décoloniser les esprits, c’est accepter que la transformation sociale nous concerne toutes et tous. Elle implique un travail sur soi. Elle implique de reconnaître ses privilèges, désapprendre certaines évidences. Elle implique aussi une action collective pour transformer les institutions, les politiques et les pratiques. Car la migration doit être pensée comme un projet commun.
En cette Journée mondiale des migrants, l’appel à des politiques et à une coopération renforcée est plus que jamais nécessaire. Mais il doit s’accompagner d’un engagement citoyen. « Ma grande histoire » n’est pas seulement celle des migrants. C’est la nôtre. C’est l’histoire d’une société qui choisit de regarder la mobilité humaine non comme une menace, mais comme une opportunité de justice et de solidarité.
À Charleroi, ville façonnée par les migrations d’hier et d’aujourd’hui, nous savons que lorsque chaque histoire personnelle trouve sa place, c’est toute la collectivité qui grandit. Et si nous acceptons de décoloniser nos regards, alors cette grande histoire commune peut devenir celle d’un avenir plus juste, plus démocratique et plus humain.
Fabrice CIACCIA, Directeur du CRI Charleroi






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