Deux dates et un contraste révélateur.

Il y a des calendriers qui se télescopent et révèlent plus qu’ils ne le devraient. Le 8 décembre 2025, l’Union Européenne adopte un virage migratoire majeur. Deux jours plus tard, le 10 décembre, le monde célèbre la Journée internationale des Droits Humains.
Entre ces deux dates, un gouffre : celui qui sépare l’ambition affichée des Droits Universels et les politiques qui, concrètement, les restreignent. Ce contraste n’est pas une coïncidence. Il est un symptôme d’une Europe qui parle encore en termes de principes mais qui agit autrement.
Alors que la DUDH rappelle que toute personne a Droit à la protection, l’Europe organise la possibilité de déplacer cette protection hors de son territoire. Les « centres de retour » hors UE deviennent la norme. On organise la délocalisation de la vulnérabilité.
Le vocabulaire devient un instrument politique. On élargit la liste des prétendus « pays sûrs », rendant mécaniquement plus simples les refus de protection. Un pays n’est pas “sûr” par décret.
Il l’est pour certaines personnes, dans certaines circonstances, sous certaines conditions. Mais une fois la catégorie posée, la présomption remplace l’examen. L’individu disparaît derrière le classement.
On efface la nuance au détriment de la singularité de chaque être humain. Les Droits Humains rappellent que la dignité exige du temps, de l’écoute, de la procédure. Ce 8 décembre, l’UE consacre la vitesse comme outil de gouvernance : procédures raccourcies et décisions automatisées. Mais la vitesse, en politique migratoire, n’est pas neutre. Elle crée des angles morts. Elle fabrique des invisibles. Elle transforme la demande d’asile en parcours chronométré, où l’erreur devient probable, et souvent irréversible. La Déclaration Universelle demande de considérer chaque personne. Hors, la politique accélérée risque de la traiter comme un dossier.
La solidarité devient une option : accueillir ou payer. La solidarité devient un bilan comptable. On ne partage plus une responsabilité morale. On compense. La solidarité est réinventée comme mécanisme budgétaire.
La détention devient la normalité administrative. Les décisions du 8 décembre inscrivent la détention au cœur de la gestion migratoire. Non plus comme ultime recours, mais comme outil opératoire.
Deux jours d’écart et deux visions du monde qui s’opposent. D’un côté cette conception qui veut que la liberté soit une valeur indérogeable et de l’autre où elle devient une variable d’ajustement.
Le Pacte migratoire se drape dans un langage technocratique : harmoniser, coordonner, simplifier, accélérer. Mais ce n’est qu’en façade. Sous la technicité, la réalité, c’est que la conception même du Droit d’Asile est en train de basculer. On glisse d’un Droit fondé sur la protection à un système fondé sur la sélection. D’un accueil fondé sur la vulnérabilité, on passe à un tri fondé sur la suspicion. Dès lors, dans ce contexte, les Droits Humains apparaissent finalement comme un décorum.
Le 10 décembre, on célèbre les Droits Humains et le 8 décembre, on les piétine.
Fabrice CIACCIA, Directeur du CRI Charleroi






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