
Retour sur notre projection : La Voix de Hind Rajab. Quand le silence devient cri !
Il arrive que le cinéma fasse plus que raconter : qu’il écoute, qu’il recueille, qu’il porte ce que d’autres ont tenté d’étouffer. La Voix de Hind Rajab, le film de Kaouther Ben Hania, est de ceux-là. Un film qui nous force à entendre.
Hind Rajab avait six ans. En janvier 2024, à Gaza, sa famille est tuée alors qu’ils fuient un bombardement. Coincée seule dans une voiture criblée d’éclats, elle appelle désespérément les secouristes du Croissant-Rouge palestinien.
À une époque saturée d’images de guerre, Ben Hania choisit l’économie du visible pour redonner sa place au poids du son, du silence, de la parole.
Sa voix d’enfant traverse la ligne : « Venez me chercher. Je suis seule. »
Ce sont ces enregistrements réels que la réalisatrice a choisis de faire résonner dans son film, entrecoupés d’images d’attente, de reconstitutions minimalistes, d’ombres et de silences. Rien d’autre. Pas d’effets. Pas de musique pour apaiser. Juste la tension du réel, la voix, le souffle, l’interruption brutale.
Ben Hania poursuit sa quête d’un cinéma à hauteur d’humain. Elle ne filme pas la guerre : elle filme l’absence de secours, le vide après la mort, la solitude de la victime.
En choisissant de concentrer tout un conflit dans la voix d’une enfant, elle inverse la perspective : ce n’est plus le monde qui regarde Gaza. C’est Gaza qui nous regarde à travers les yeux fermés d’une fillette.
Le cinéma ne peut pas sauver Hind, mais il peut l’empêcher d’être oubliée. Et c’est peut-être cela, l’acte politique le plus fort d’un artiste : créer une mémoire là où le monde se détourne.
La Voix de Hind Rajab n’est pas un film facile. Il dérange, bouleverse, confronte. Mais il ouvre un espace d’écoute radicalement humain.
Chaque spectateur devient témoin. Pas seulement du drame d’Hind, mais de la responsabilité collective de ceux qui entendent et ne répondent pas.
Pour le CRI Charleroi, cette œuvre représente une invitation à penser autrement la géopolitique, à redonner un visage, une voix, une dignité à ce que les statistiques effacent.
Regarder ce film, c’est se tenir dans cet entre-deux inconfortable : l’impuissance et l’empathie.
C’est se demander ce que signifie, ici, à Charleroi, être témoin d’un monde qui brûle ailleurs.
C’est interroger notre rapport à l’information, à la distance, à la compassion.
Pour le CRI Charleroi, cette œuvre rappelle combien l’écoute est une forme de résistance, combien raconter est déjà agir.
Fabrice CIACCIA, Directeur du CRI Charleroi






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