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SAUDADE #43 : Quand l’exil dort sur nos trottoirs : banalité du mal, silence coupable et colère salutaire

Notre Belgique, trop accueillante ? Dites-le aux familles dont les enfants dorment sur nos trottoirs

« Depuis début août, les demandeurs d’asiles ayant déjà obtenu une protection internationale dans l’Union européenne n’ont plus accès à un hébergement en Belgique. Conséquences de cette nouvelle politique fédérale : plusieurs dizaines de familles avec enfants doivent dormir dans les rues de la capitale ».

« Il est un peu plus de 20 heures dans un parc bruxellois, des enfants jouent sous le regard de leurs parents. »

Rien d’inhabituel. Sauf que ceux-là n’ont pas de chambre à retrouver, pas de lit, pas même de toit. Leur terrain de jeu, c’est aussi leur dortoir. Bienvenue dans l’Europe des droits humains, version 2025.

Une société démocratique ne devrait jamais tolérer que des enfants dorment sur un banc, que des familles soient réduites à survivre sous un abribus, un sac de biscuits comme unique repas.

Pourtant, ces scènes se déroulent aujourd’hui chez nous. Non pas à cause d’une catastrophe naturelle, mais à cause d’une décision politique froide et calculée.

On appelle ça une « politique« . Comme si ce mot suffisait à donner une patine rationnelle à ce qui n’est qu’une absurdité cruelle : laisser des familles entières à la rue, parce qu’elles n’ont pas ou ont déjà obtenu un bout de papier dans un autre pays. Papier qui, soit dit en passant, ne leur donnait ni toit, ni nourriture, ni avenir. Mais rassurons-nous : les règles sont respectées.

La « banalité du mal », concept mis en lumière par Hannah Arendt, décrit cette mécanique terrifiante où l’inhumain s’installe non par cruauté spectaculaire mais par application docile de règles administratives. Des fonctionnaires appliquent des consignes, des ministres justifient par des chiffres, et des enfants passent la nuit dehors. La banalité du mal, ici, c’est de transformer une mesure dite « technique » en condamnation à l’errance pour des familles vulnérables.

Et nous ? Nous regardons. Bien souvent, nous nous taisons. 

Nous lisons les articles. Nous compatissons, peut-être. 

En lisant les commentaires, on peut parfois sérieusement en douter.  Ce silence-là, nous le connaissons bien. Nous laissons ces injustices se normaliser. 

Ce silence est confortable. Mais il est aussi coupable. Car chaque nuit passée dehors par un enfant est une nuit de trop. Chaque banc transformé en matelas est une insulte à notre humanité collective.

Car chaque absence de réaction est une complicité passive face à la négation du droit fondamental d’un enfant à être protégé.

Face à cela, il nous reste une ressource : la colère. Pas la colère destructrice, mais la colère légitime, celle qui refuse l’inacceptable. Une colère qui rappelle que la dignité humaine ne se hiérarchise pas, que le droit à un toit, à la nourriture, aux soins, à la sécurité, ne s’efface pas devant les calculs politiques.

Cette colère n’est pas aveugle, mais légitime.  Elle refuse qu’on nous fasse croire qu’un enfant de cinq ans doit « assumer » le choix migratoire de ses parents.  Elle refuse qu’on sacrifie la dignité sur l’autel du calcul électoral.  Elle rappelle qu’on n’abandonne pas un enfant. Jamais.

Laisser dormir un enfant dans la rue, c’est franchir une ligne que nous ne pouvons pas tolérer. Quelles que soient les lois invoquées, quelles que soient les justifications avancées, il n’existe aucune justification à refuser à un être humain, encore moins à un enfant, la protection de base que nous nous devons les uns aux autres.

Certains disent que la Belgique est « trop attractive ». Qu’ils viennent donc dormir quatre nuits de suite sur un banc avec trois petits dans les bras, et on en reparlera.

Quand un État justifie l’injustifiable, il appartient aux citoyens, aux associations, de ne pas se taire.  Nous refusons que l’Europe, que la Belgique, deviennent des espaces où l’indifférence remplace la solidarité.  Nous refusons le silence.  Nous affirmons haut et fort que la colère est aujourd’hui un devoir.

A lire : https://www.rtbf.be/article/des-familles-de-demandeurs-d-asile-dorment-a-nouveau-dans-les-rues-de-bruxelles-11589145?fbclid=IwY2xjawMTvppleHRuA2FlbQIxMQABHu4O2MmRPFd8R99kjWTnJ-SS-YTtmpjVoc7XDmMOpYWX6TcgzSTeiZmEv5cg_aem_gnBZyqx-uEbJWRQ92cg0Og

Fabrice Ciaccia 

Directeur du CRI Charleroi

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