8 août 1956 – 8 août 2025 : Le Bois du Cazier, une mémoire vive

Il est 8h10, ce mercredi 8 août 1956, quand un incendie se déclare dans les profondeurs de la mine du Bois du Cazier, à Marcinelle. Le manque d’investissement dans la sécurité conduit à ce qu’un wagonnet mal engagé provoque un court-circuit. Il ne faut que quelques minutes pour que la catastrophe se déchaîne. Très vite, les fumées envahissent les galeries, piégeant les mineurs à plus de mille mètres sous terre. 262 travailleurs périront.
Soixante-neuf ans plus tard, ce drame reste l’une des tragédies industrielles les plus marquantes de l’histoire européenne d’après-guerre. Et pourtant… Que nous dit encore aujourd’hui cette catastrophe ? Pourquoi et comment continuer à la commémorer ?
En 1956, le bassin industriel carolorégien bat au rythme du charbon. L’économie d’après-guerre tourne à plein régime, et les besoins en énergie sont colossaux. La Belgique, à court de main-d’œuvre nationale, signe dès 1946 des accords avec plusieurs pays pour faire venir des travailleurs immigrés dans ses mines.
Ils sont jeunes, souvent seuls, logés dans des conditions précaires, affectés aux tâches les plus rudes. Au Bois du Cazier, ce 8 août, la majorité des victimes sont italiennes, mais on compte aussi d’autres nationalités. La catastrophe ne touche pas seulement la Wallonie, elle frappe l’Europe entière.
Ce n’est pas un accident local, c’est un drame ouvrier transnational.
Très vite, les secours s’organisent. Mais les infrastructures sont insuffisantes. Les communications sont défaillantes. La coordination est chaotique. Les familles attendent à la surface. L’angoisse est là. Le dernier corps ne sera remonté que le 23 août. L’enquête qui suit mettra en lumière des responsabilités multiples : manque de sécurité, sous-investissement, formation incomplète du personnel.
Le procès renforce le sentiment d’injustice qui marquera durablement les relations entre la Belgique et ses communautés immigrées.
Pendant longtemps, le Bois du Cazier restera un lieu meurtri, quasi abandonné. Il faudra attendre les années 1990 puis 2000 pour que s’organise un véritable travail de mémoire.
Porté par des survivants et des associations, le site devient progressivement un lieu d’apprentissage et de recueillement. Il est aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Ce lieu mémoriel ne célèbre pas la grandeur industrielle. Mais il rappelle le coût humain de l’exploitation minière.
Le 8 août est un rendez-vous de conscience. Entre 1965 et 2025, les conditions de travail précaires sont au cœur du propos dans les sous-traitances invisibles, les chantiers clandestins. Les migrations font vivre l’économie malgré certains discours politiques stigmatisant.
Les catastrophes industrielles, sociales ou symboliques, technologiques ou environnementales, continuent de frapper celles et ceux qui ont le moins voix au chapitre.
Commémorer Marcinelle, c’est refuser l’oubli, refuser la banalisation. C’est rappeler que la sécurité au travail n’est jamais acquise, que la dignité humaine n’est pas négociable.
Ce 8 août 2025, les chevalements du Bois du Cazier ne tournent plus. Mais ils veillent. Ils dressent leur silhouette dans le ciel carolorégien comme des sentinelles de mémoire.
Fabrice CIACCIA, Directeur du CRI Charleroi
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