Hommage à Brigitte PIRSON : Une passeuse d’avenir et de mémoire

Je me souviens des Enfants du Hasard et de Brigitte Pirson, enseignante et militante du quotidien. Et à l’instar de Thierry Michel, je veux rendre hommage à Brigitte et à toutes celles qu’on croise dans une salle de classe d’école, dans un couloir, dans les rues de ces villes ouvrières de Wallonie marquées au charbon, à l’exil, aux luttes silencieuses. Là, Brigitte a passé sa vie à faire vivre une école publique digne, ouverte, exigeante. Une école à hauteur d’enfants. Une école du peuple.

Dans le film Enfants du Hasard de Thierry Michel et Pascal Colson, elle incarne avec justesse ces passeurs de sens, de mémoire et d’avenir. Elle ouvre des mondes. Elle aide les enfants à nommer leur histoire, à comprendre celle de leurs parents et grands-parents venus d’ailleurs pour faire tourner les galeries de charbon. Elle fait de la mémoire une boussole, pas un fardeau.

Nous nous souvenons qu’elle dépassait les savoirs scolaires. Elle accueillait ses enfants de mineurs, petits-enfants d’immigrés avec tout ce qu’ils étaient : leurs langues, leurs silences, leurs trajectoires parfois cabossées. Elle savait que l’apprentissage commence par la reconnaissance. Elle construisait un espace où chacun avait sa place, où la parole avait droit de cité, où l’on pouvait devenir sujet de sa propre vie.

Brigitte, c’était une voix calme mais ferme, un regard qui croyait profondément en chaque enfant. Elle pratiquait une pédagogie de la confiance, nourrie de rigueur, d’attention et de lien. Une pédagogie qui tient debout même quand tout autour vacille. Une pédagogie discrète et puissante. Elle savait accompagner sans mode d’emploi, faire avec la complexité, être là quand d’autres institutions se retirent.

Brigitte croyait en l’école comme lieu de transformation sociale. Une école qui ne gomme pas les différences, mais qui les accueille comme des richesses collectives. Une école populaire, au sens le plus noble du mot : celle qui fait grandir les enfants du peuple dans leur dignité, leur diversité, leur capacité à devenir des citoyens debout.

Dans sa classe, on apprenait à lire, à écrire, à penser. Mais surtout à se reconnaître, à se respecter, à se relier. Elle incarnait cette idée simple et révolutionnaire : chaque élève a droit à toute la lumière.

Elle fut aussi une passeuse de mémoire. Une mémoire vivante, transmise d’une génération à l’autre. Mémoire des luttes, des migrations, des silences, des solidarités. Elle savait que faire société, c’est reconnaître l’histoire de l’autre comme une part de la sienne. Que notre métier – enseignant, éducateur, travailleur social – n’est pas seulement un métier de réparation. C’est un métier d’émancipation.

Brigitte nous laisse une leçon de vie et d’engagement. Elle nous montre que la vocation n’est pas un mot figé, mais une énergie qui se donne chaque jour, avec constance, avec cœur, avec courage.

À son image, continuons à faire de chaque lieu d’apprentissage un lieu de liberté, de respect, de transformation. Brigitte est une source d’inspiration, un modèle d’humanité, une lumière dans le sillage des enfants du hasard…

Nous rendrons hommage à Brigitte Pirson en projetant le film « Enfants du Hasard » de Thierry Michel et Pascal Colson dans notre prochain Ciné-Club…

Fabrice CIACCIA
Directeur du CRICharleroi