Mawda et Malcolm . Deux vies séparées par les continents et les décennies. Deux destins marqués par la violence des États. Deux cris contre l’invisibilisation. Et un même appel : que les noms ne soient plus volés, que les histoires ne soient plus effacées.
Elle avait 2 ans. Elle aurait 9 ans. Il avait 39 ans. Il aurait 100 ans.
Malcom « Little ». USA. « Little », c’est le nom imposé à Malcom et à ses ancêtres par les maîtres esclavagistes. Malcom l’a rejeté pour devenir X. Malcom X. Le « X » anonymise et universalise Malcom. De l’individuel au collectif. « X », une lettre qui crie le vide laissé par une identité arrachée. Un nom qui n’en est pas un, mais qui dit tout : je suis celui qu’on a tenté d’effacer. D’abord, par l’esclavage et le déracinement ensuite par le meurtre et l’invisibilisation.
Mawda. Mawda Shawri. Belgique. Mawda avait deux ans. Elle ne marchait pas encore mais déjà fuyait. Elle fuyait la guerre, l’exil, les frontières, les papiers qu’on exige mais qu’on ne donne pas. Le 17 mai 2018, une balle tirée et une course poursuite mettent fin à sa courte vie.
L’injustice n’est pas une erreur, elle est structurelle.
Et maintenant… Il nous reste un nom. Un nom qui porte la trace d’une histoire de domination, d’effacement, de dépossession.
Un nom qui fait exister l’absence… L’effacement devient cri… Des vies qu’on a rayées ou voulu rayer du monde, mais qui persistent, dans nos mémoires, nos luttes, nos refus.
Des noms nous apprennent à lire les silences, à écouter les voix qu’on a tues, à voir les fils invisibles qui relient ces âmes invisibilisées.
L’histoire ne se répète pas, elle continue. Ces faits sont les conséquences d’un système. Ce sont trop souvent des répétitions programmées par des structures d’oppression. L’émotion publique peut conduire à croire qu’il s’agit d’une « bavure ». Mais ces violences sont récurrentes, prévisibles et l’apanage d’un appareil institutionnel, juridique, médiatique et culturel qui produit, tolère ou nie cette violence.
Le racisme, aujourd’hui observable dans le traitement des exilés, s’inscrit dans une longue histoire de hiérarchisation des vies humaines. La frontière est devenue le lieu de la violence moderne. L’Union européenne, sous couvert de gestion migratoire, externalise la violence aux frontières, légitimise l’usage de la force, et crée des catégories de vies indignes de protection.
Malcom dénonçait déjà les structures racistes. Dans ce contexte et à sa lumière, nos missions visent à rendre visibles les logiques invisibles, à transformer nos émotions en compréhension et à faire le lien entre les histoires individuelles et les contextes qui les produisent.
Fabrice CIACCIA
Directeur du CRICharleroi