
Gilly. Centre Régional d’Intégration de Charleroi. Bureau de la direction. Un lundi matin. Dans la pièce, quatre personnes échangent à propos du fascisme et de l’extrême droite. Récemment, Charleroi s’est positionnée concrètement sur la question : ville antifasciste. L’assemblée s’en réjouit évidemment. Mais le sujet n’est jamais tari, chacun complétant l’autre sur des notions, des rappels, des mises en garde. Je viens d’entrer, attiré par le bruit. J’ouvre mon portable et commence à prendre des notes.
Notre directeur rappel : « L’extrême droite aujourd’hui est l’héritière de l’extrême droite d’hier. Cette filiation est structurelle et idéologique. En effet, elle développe à travers le temps un corpus idéologique et une vision de la société constante et régulière. Cette vision se caractérise par une hiérarchisation inégalitaire, naturelle et immuable. Elle est teintée de patriarcat, de domination économique, de racisme. »
Sarah, l’une de nos chargées de projet, interroge : « Est-ce que l’extrême droite a réellement changé ? » C’est Laura, notre coordinatrice services aux professionnels : « L’évolution de l’extrême droite n’existe qu’au niveau de ses modes de communication. On utilise des moyens techniques modernes pour faire passer des discours hiérarchisants, machistes et racistes. On édulcore le discours. On utilise un langage codé. On utilise des mots « écrans ». On est dans les allusions. C’est vrai, on nous dit que l’extrême droite a changé. Toutefois, une chose est certaine avec l’extrême droite, c’est qu’elle exploite systématiquement le filon de l’étranger. En outre, la banalisation des discours sur la sécurité et l’immigration n’ont fait que renforcer le discours de l’extrême droite. En bref, l’extrême droite a recyclé de veilles recettes nauséabondes dans de nouvelles casseroles.»
Sarah, toujours curieuse demande : « Que faut-il faire ? ». Sur quoi, notre chargé du service documentation, Christian, prend la parole : « La lutte ! Le cordon sanitaire a fonctionné tout un temps quand les idées de l’extrême droite n’avaient pas envahi les discours des partis traditionnels. Or aujourd’hui, les discours fascisants ont pénétré la sphère publique : discours musclé sur l’immigration, de diabolisation de l’autre (l’étrangers), de menaces sur « la » culture ou l’identité. La lutte contre l’extrême droite, ce doit être aussi la lutte contre les inégalités et les injustices ou la re-politisation des questions sociales. Car l’extrême droite avance là où nous reculons. Là où nous considérons nos avancées sociales comme des acquis à préserver plutôt qu’à faire évoluer. »
Je suis attendu ailleurs, je me lève donc pour rejoindre mon bureau, laissant-là mes collègues à leur discussion. En fait, je suis assez content et rassuré que cette poignée d’humains pour qui le racisme, la haine de l’autre est un sujet « classique » continue de s’interroger, de veiller.
Nous le voyons, la décision courageuse de la Ville de Charleroi de se positionner fermement contre le fascisme est une avancée mais elle ne permet pas de relâcher notre attention face aux dangers de l’extrême droite. Restons vigilants, continuons à sensibiliser et à informer. Ensemble, repoussons tant qu’il le faudra les égarés aux portes de notre cité.
– Fabrice Ciaccia, directeur du CRIC
Cette Saudade fait en partie suite à la lecture de « La bête a-t-elle mué ? » de Julien Dohet et Olivier Starquit
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