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[Billet d’humeur] MÉNAGES, MIGRATION ET CAPES D’INVISIBILITÉ

[Billet d'humeur] MÉNAGES, MIGRATION ET CAPES D'INVISIBILITÉ cric

Enfant, on rêve.
Adulte, on déchante.
Et puis, un jour, on rit jaune…

Quand j’étais petit, je désirais plus que tout avoir une cape d’invisibilité. Oui, comme HP. Harry le magicien que vous connaissez bien et ses Wingardium Leviosa. De manière plus générale, comme un super héros. Une version de moi-même dotée de super-pouvoirs.

Plus tard, la naïveté s’étant envolée avec le JT et son lot d’atrocités, on s’aperçoit avec effroi que les capes d’invisibilité n’existent pas en vrai. Je ne pourrai jamais me faufiler discrètement dans les vestiaires des filles ou dans les coulisses de quelques complots planétaires.

Puis, on entre dans la vie active. On choisit le social. On devient chargé de projet dans une asbl et on fait son chemin. C’est là que le grand bouleversement surgit. Les capes d’invisibilité EXISTENT mais pas sous la forme qu’on imaginait…

Elle se lève très tôt le matin, avant tout le monde. Elle se faufile par les rues obscures, grimpe l’un ou l’autre étage et pousse une porte, discrètement. Elle est femme de ménage. Elle va travailler alors que vous dormez encore puis elle disparaitra. INVISIBLE.

Elle attend que le bureau ferme puis elle s’active. Seaux à la main, balais au poing. Elle s’esbigne entre les tables, les armoires sous la lumière crue des néons. Elle nettoie sans être vue. INVISIBLE.

Elles veillent au plus profond de la nuit, elles suent entre deux visites, ces aides-soignantes venues de loin pour s’occuper de vos proches. Jamais reconnues mais si utiles. INVISIBLES.

« Elle », « elle » et « elle », ce sont ces femmes migrantes qui travaillent mais que l’on ne voit pas. On ne saurait se passer de leur bras mais on préfère ne pas les voir. INVISIBLES. Elles agissent dans les failles des horaires, s’engouffrent dans les temps de pause, hantent les nuits des usines. INVISIBLES. On pourrait dire de ces femmes qu’elles portent ces fameuses capes d’invisibilité qui me faisaient tant rêver, moi, petit blanc, pas trop mal né.

Finalement, les capes d’invisibilité existent mais qui voudrait d’une cape comme celle-là ?

Fabrice Ciaccia, directeur du CRIC

Note : cette réflexion m’est venue suite au séminaire « Indispensables mais invisibles » donné le 30 septembre 2022 à l’ULB.

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