La dégradation environnementale – causée notamment par les changements climatiques – aggrave les problèmes sociaux, économiques et politiques de nombreux pays et régions, principalement du Sud. Cette situation entraîne entre autres des migrations internes et internationales. À part quelques rares exceptions, aucun cadre juridique n’existe à cet égard, ce qui n’est pas sans conséquence sur le respect des droits des personnes migrantes.
Les migrations environnementales sont un sujet certes complexe, mais pas nouveau. Depuis toujours, les hommes migrent suite aux effets néfastes des facteurs environnementaux sur leurs conditions de vie. Lorsque la nature devient menaçante ou dégradée au point de ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins élémentaires en quantité et en qualité, ceux-ci sont amenés à se déplacer, de façon volontaire ou forcée selon les circonstances, pour protéger leur vie et tenter d’accéder à un avenir meilleur.
Cependant, toute préhistorique soit-elle, la migration occupe une place majeure dans les débats politiques contemporains, de la même façon que le réchauffement climatique. Ce dernier est présenté comme un élément accélérateur de la dégradation de l’environnement et, de ce fait, des flux migratoires. Face à cette situation, l’Europe fait plutôt profil bas et ne prend pas le problème à bras le corps. Pourtant, en tant que puissance industrialisée, grande productrice de gaz à effet de serre, elle devrait assumer ses responsabilités. Or, ce n’est pas vraiment le cas. L’Europe et ses États membres préfèrent notamment se chercher un bouc émissaire permettant de canaliser les peurs et expliquer les raisons de toutes les crises. Ils affichent par conséquent un discours sécuritaire, fondé sur un sentiment de menace que nourrirait la venue sur leur sol de ces « nouveaux » migrants de l’environnement. À la veille des élections européennes, le prisme par lequel l’Europe entrevoit les migrations est essentiellement « négatif » et « euro-centrique », ce qui ne manque pas d’avoir des conséquences sur le respect des droits fondamentaux de millions d’individus.
Au-delà des enjeux européens, la scène mondiale est animée aujourd’hui par les négociations internationales sur les changements climatiques. En novembre 2013, quelques jours après la catastrophe humanitaire causée par le cyclone Haiyan aux Philippines, la 19e Conférence des parties (COP 19) de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) s’est tenue à Varsovie. À l’ordre du jour des négociations, la mise en place de mécanismes nouveaux d’assurance climat devant permettre aux victimes des changements climatiques d’être dédommagées pour les pertes et préjudices encourus (Loss and damage). La société civile internationale et spécialement celle des pays les plus touchés par les changements climatiques suit le sujet de près et espérait beaucoup de la COP 19. Hélas, les attentes ne furent pas comblées et l’on déplore au lendemain du sommet le peu d’avancées politiques et d’engagement concret des États industrialisés et émergents (Chine et Inde en tête) sur cette question. Quant à la prise en compte, au sein même de cet espace onusien, des migrations et des droits humains en lien avec les changements climatiques, elle n’était même pas à l’ordre du jour. Malgré qu’il y ait urgence, le combat n’est pas pour autant perdu, vu que le processus final des négociations devant déboucher sur un accord international contraignant (succédant au protocole de Kyoto) est prévu pour l’année 2015.
L’étude proposée ici se découpe en plusieurs volets. La première partie dresse un tableau général des liens quelque peu élastiques entre dégradations de l’environnement, changements climatiques et migrations. Avant un bref survol géopolitique des migrations environnementales, l’étude pose une question clé animant les débats actuels sur ce thème : quelle est la définition du migrant de l’environnement ? Doit-on créer une nouvelle catégorie de migrants nécessitant l’élaboration et la mise en place de politiques nationales, régionales et internationales spécifiques ? Nous tenterons d’y répondre dans la seconde partie.
En effet, face aux catastrophes naturelles et aux dégradations lentes de l’environnement, dues notamment aux changements climatiques, quelles sont conjointement aux politiques d’atténuation, les stratégies d’adaptation les plus pertinentes en termes de durabilité et de respect des droits fondamentaux ? Si la migration est envisagée comme une stratégie d’adaptation, quels sont les cadres juridiques et les mécanismes internationaux existants permettant d’assurer aide et protection aux personnes forcées ou qui ont fait le choix volontaire et parfois planifié de se déplacer ? Quelles sont également les stratégies d’adaptation adéquates pour celles qui restent, de gré ou de force ?
Nous terminerons cette réflexion par une série de recommandations à adresser à la Belgique et à ses représentants au sein des espaces de négociations européens et internationaux pertinents.
Avant toute chose, il est important de préciser de « quoi » et de « qui » nous parlons. Tout au long de l’étude, nous utiliserons le terme de « migrant de l’environnement ». Diverses définitions de ce terme, émanant de différents acteurs, seront présentées dans la première partie de l’étude, mais il nous semble indispensable à ce stade de préciser que le terme « migrant de l’environnement » comprend les migrants dits « climatiques ». En effet, les migrations causées, entre autres, par les dégradations de l’environnement ne sont pas dues systématiquement et uniquement aux effets des changements climatiques. Nous considérons donc que les migrants climatiques sont une catégorie de la rubrique générale des migrants de l’environnement.
De même, le terme générique de migrant de l’environnement comprend le groupe spécifique des femmes migrantes de l’environnement. Un chapitre leur est consacré afin d’attirer l’attention sur la vulnérabilité significative de ces personnes en nombre croissant.
Enfin, il est utile de rappeler que le terme de réfugié fait référence à un individu bénéficiant d’une protection internationale accordée via la Convention de Genève et que le terme de demandeur d’asile définit toute personne en demande (sans certitude de l’obtenir) de cette même protection internationale. Le terme déplacé quant à lui concerne une personne ayant été forcée de migrer dans son propre pays pour divers raisons, tandis que le terme migrant désigne plus largement une personne ayant été forcée ou non de réaliser des déplacements impliquant généralement le franchissement d’une frontière.
Découvrez « Migrants de l’environnement », une nouvelle étude du CNCD-11.11.11, collection « Points Sud, qui examine les enjeux situés au carrefour de débats contemporains que sont les migrations, les changements climatiques et les droits humains et débouche sur des recommandations adressées à la Belgique et à l’ensemble de la communauté internationale.
Cécile Vanderstappen
Source : www.cncd.be
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