
Retour sur le colloque que nous avons organisé ce 28 novembre 2024 sur l’alimentation en contexte migratoire.
L’alimentation, c’est bien plus que remplir un estomac vide. C’est un fil rouge entre hier et aujourd’hui, un espace de réconfort et parfois de combat. Pour les personnes en migration, c’est un point névralgique où survie, identité et espoirs se croisent, souvent dans la douleur. Dans l’exil, la cuisine devient tour à tour un lieu de violence institutionnelle, une ancre culturelle et un outil de résilience.
Imaginez : on quitte tout. Le pays, la maison, les odeurs familières de la cuisine. On arrive dans un centre d’accueil où les repas sont uniformes, calibrés pour “faire tenir”. Plus de riz épicé comme à la maison, plus de pain pétri à l’aube. Une nourriture impersonnelle, parfois en contradiction totale avec les habitudes religieuses ou culturelles. Et avec ça, un sentiment insidieux : celui de perdre une part de soi-même.
Pourtant, au milieu de ce chaos, la cuisine résiste. Elle devient un espace de survie culturelle. Combien de personnes, souvent en première ligne, se débattent pour cuisiner un plat “comme là-bas”, même avec des ingrédients approximatifs ? Ce simple acte devient une déclaration : je suis encore là. Car oui, ce sont elles, les femmes, qui portent souvent le poids de cette transmission, en plus du reste. Préparer des repas, c’est plus qu’une corvée : c’est un geste d’amour, une mémoire qui se perpétue, une manière de tisser des liens avec les enfants, de recréer un foyer dans un quotidien hostile.
Et là, on touche à la complexité des rôles genrés. Oui, cette responsabilité peut être lourde, isolante. Mais elle est aussi porteuse d’autonomie. Cuisiner, c’est souvent reprendre un peu de contrôle sur une vie qui semble nous échapper. Ce n’est pas rien, dans un monde où les structures d’accueil oublient que manger, ce n’est pas seulement survivre, c’est aussi exister.
Mais l’alimentation en exil, ce n’est pas qu’une histoire de nostalgie. C’est aussi une affaire d’innovation. Vous seriez surpris par la créativité des migrants qui mixent les saveurs de leur pays d’origine avec les produits du pays d’accueil. C’est ainsi qu’on voit naître des plats hybrides, symboles de cette adaptation permanente.
Et puis, il y a les repas partagés. Ces moments où tout le monde se retrouve autour d’une table pour goûter, discuter, se raconter. Dans ces espaces de solidarité, on construit du lien, on réinvente une communauté. Parce qu’au fond, la cuisine, c’est ça : un prétexte pour se rapprocher, pour ouvrir la porte à l’autre.
Alors, que faire face à ces réalités ? D’abord, reconnaître que la nourriture est un enjeu crucial dans l’accueil des migrants. Ne pas les réduire à des chiffres ou à des “bouches à nourrir”. Ensuite, intégrer leurs besoins spécifiques : proposer des repas qui respectent leurs choix culturels et religieux, valoriser leurs savoir-faire culinaires à travers des ateliers ou des projets communautaires. Imaginez des jardins partagés où chacun cultive ses herbes et légumes, ou encore des restaurants solidaires qui célèbrent les cuisines du monde.
Et si on allait plus loin ? Si on voyait dans ces cuisines un outil d’ancrage ? Apprendre à cuisiner ensemble, c’est aussi apprendre à se connaître, à se respecter. C’est aussi, pour les migrants, une manière de reprendre pied économiquement, en développant des initiatives locales.
En valorisant les cuisines migrantes, on ne fait pas que répondre à un besoin alimentaire. On crée du lien, on s’enrichit mutuellement. L’alimentation, au-delà du pain et des épices, devient un véritable levier de transformation sociale. Alors, la prochaine fois que vous sentez une odeur d’ailleurs dans votre rue, ne vous arrêtez pas à la curiosité. Laissez-vous tenter. Parce qu’à travers un plat, il y a toujours une histoire à partager.
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