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SAUDADE#8 : Total black-out : du Chili aux USA

SAUDADE-8

11 septembre 2023. Je suis assis dans ma voiture en route pour le CRIC. Les ondes radio relatent, l’évènement tragique survenu aux Etats-Unis il y a 22 ans : l’effondrement des tours jumelles plongeait les Américains dans la terreur. Après plus de vingt ans, les afghans fuient toujours. Malgré la tendance médiatique du jour, une autre image me revient en tête. Je vois un homme aux cheveux noirs gominés, les bras croisés, entouré de militaires. Cet homme porte des lunettes noires et a un air sévère. Ce jour-là, le Général Pinochet remplace l’hymne de l’unité populaire chilienne par le bruit des bottes de la « caravane de la mort », constituée des groupes paramilitaires soutenant le chef de l’armée.

Cinquante ans déjà. Un rêve. Un rêve perdu. La voie chilienne devient sans issue. Sang versé : la junte militaire met fin au régime démocratique. Les hélicoptères survolent Santiago. Le palais de la Moneda est bombardé. C’est un coup d’Etat. Le président Allende préfère mourir que de se rendre aux militaires. La félonie l’a emporté. Le parlement est fermé. Les démocrates et les progressistes sont personae non grata.

Combien de chiliens fuiront ? Cinquante ans après, on ne le sait toujours pas…

Un avion arrive au départ de Santiago et atterrit sur le tarmac de Zaventem. Ceux qui restent sont torturés. Partir, pas pour fuir, partir pour ne pas subir. Beaucoup partiront vers l’Argentine qui trois ans plus tard tombera également sous le joug des militaires. Se cacher ne suffit pas.

La voie de l’exil remplace feu, la voie chilienne. Choisir l’exil comme solution unique. L’exil comme refuge.

C’est l’émoi en Europe. En Belgique, c’est la société civile qui accueille les exilés. Belgique : terre d’accueil. C’est la solidarité qui l’emporte. Quelques centaines de réfugiés chiliens sont accueillis en Belgique. Les réfugiés s’installent d’abord dans les grandes villes. C’est plus facile. On commence à oublier. Oublier pour commencer à vivre. Mais la blessure demeure. Les stigmates restent présents… Tout le temps.

La vie en exil. On apprend la langue, le français mais on garde son accent comme une ultime loyauté. Tu essaies de reconstruire ce que tu as perdu. Tu revendiques ton origine. Tu essaies de garder contact avec ton pays d’origine, ses cultures. On rend hommage à ceux qui nous ont quitté trop tôt. Tu parles avec tes compatriotes mais sans évoqués les choses que tout le monde sait mais que personne ne veut entendre. C’est le mutisme qui parle.

Ces parcours sont similaires aux parcours des autres exilés, réfugiés, migrants. De ceux que l’on nomme et renomme au gré de l’histoire.

11 septembre 2023. Toutes ces histoires sont les mêmes. Elles sont faites d’espoir et de désespoir, de résistance, de tristesse, de souffrance, de mutisme, de dépossession d’un passé perdu. Saudade.

– Fabrice CIACCIA, directeur du CRIC

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