
Quand on est enfant, on prend un malin plaisir à escalader les murs. Que ce soit pour récupérer un ballon passé chez le voisin ou pour s’introduire, discrètement, dans l’une ou l’autre ruines du quartier, si tentante à explorer. Sauter un mur, c’était prendre un petit risque, c’était partir à l’aventure. Avant, les murs, c’était marrant…
Aujourd’hui, les murs se teintent parfois de honte. USA/Mexique. Israël/Palestine. Bâtis sur la crainte, voir la haine de l’autre, ces frontières artificielles sont comme des cicatrices, des balafres au visage de l’humanité. Grillages, barbelés, clôtures électrifiées, structures de béton et patrouilles armées, ne sont rien d’autre que des attaques contre la démocratie et contre le vivre ensemble. Ces kilomètres de constructions scarifient les paysages et les communautés (en Israël on parle même de paysans coupés de leurs champs).
Allons plus loin et imaginons ceci. Quelque part entre Nazareth et Bethléem, il y a bien longtemps, par une nuit noire. Un couple avance dans l’obscurité. L’homme tire sur les rênes de son âne qui rechigne tandis que sa femme lutte contre les douleurs de la grossesse. Elle est enceinte et le terme approche. Heureusement, leur destination n’est plus très loin. Ils sont presque arrivés. Comme c’est écrit, le petit doit naître quelques kilomètres plus au sud. Il deviendra célèbre et ce jour, le 24 décembre, sera fêté pendant longtemps à travers le monde. Alors qu’ils pensent parvenir au bout de leur voyage épuisant, ils s’arrêtent, horrifiés. Un mur barre leur route. Haut de 8 mètres, bardé d’étranges fils de fer qui piquent et blessent, l’édifice s’étend à droite et à gauche à perte de vue… impossible de passer… Noël n’existera jamais et le petit bout aura un avenir tout différent.
Cette histoire tirée par les cheveux montre néanmoins l’impact que la construction d’un mur peu avoir sur l’histoire et sur le quotidien des peuples. Construire une barrière entre les gens, c’est forcément les couper les uns des autres mais c’est aussi pour l’un (souvent celui qui construit) une manière de ramener l’autre à l’état d’ÉTRANGER.
Qui prendrait encore plaisir à grimper un mur dans une réalité pareille ? Que ce soit à la frontière américano-mexicaine ou en Palestine, des gens essaient de passer les murs mais souvent cela leur est fatal. Ce n’est plus un jeu d’enfant, c’est une question de vie ou de mort. On ne récupère plus un ballon égaré chez le voisin, on y espère un futur meilleur. L’exploration de ruine n’est plus à l’ordre du jour. Aujourd’hui, les hommes construisent des murs, là où ils feraient mieux de construire des ponts.
– Fabrice Ciaccia, directeur du CRIC.
Note
SAUDADE est le terme choisi par notre directeur pour remplacer celui de « billet d’humeur ». La définition officielle de saudade est : « Sentiment mélancolique mêlé de rêverie et d’un désir de bonheur imprécis ». Ceci lui semble plus approprié pour parler, à sa manière, des différents sujets qu’il souhaite aborder, pour transmettre les émotions personnelles qu’il veut faire passer. Comme une aquarelle d’Hugo Pratt, dit-il.
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