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Enfance, foot et migration : des rêves bottés en touche !

Cet article a été rédigé par notre stagiaire Adel Bouterbiat.

Ils quittent leur famille, leurs amis, leur pays, dans le but de réaliser un rêve. Ce rêve, qui devient très vite une obsession, doit leur permettre d’aider les proches qui les entourent, souvent dans des situations précaires. Ils sont des milliers, chaque année, à mettre les voiles des terres africaines vers l’Europe, considérée comme terre promise. Mais, quand la réalité de la vie prend le dessus, ils se retrouvent livrés à eux-mêmes et deviennent clandestins. 

Que ce soit Neymar ou encore Sadio Mané, on les connait tous ces grands joueurs présents dans de grandes équipes. Mais on a tendance à oublier ces jeunes, parfois âgés de 14 ou 15 ans, qui quittent leur pays et donc leur cocon familial avec une seule idée en tête : devenir le nouveau Lionel Messi d’Europe. Ils s’embarquent dans une sorte de Pékin Express au péril de leur vie où la plupart du temps ils ne savent pas s’ils vont ressortir vivants de ce voyage. Un périple avoisinant les 7000 km à travers une multitude de pays où ils seront livrés à eux-mêmes et seuls contre tous. Que ce soit à pied, en barque, en vélo ou en voiture ils avancent vers l’inconnu en pensant atteindre leur rêve derrière cette fameuse frontière européenne. Mais c’est un rêve qui tourne vite au cauchemar lorsque le jeune joueur donne toute sa confiance à un simple inconnu qui lui dit ce qu’il veut entendre. Des escrocs, des charlatans, tant de mots pour décrire ces briseurs d’espoirs qui, une fois qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient, abandonnent lâchement ces jeunes dans la rue. Certains parlent de faux agents, d’autres de trafiquants d’humains modernes mais ce qui est sûr c’est que leurs intérêts ne seront jamais en faveur de celui qui a tout quitté. 

Un rêve qui tourne vite au cauchemar

Stéphane est né dans une famille assez modeste, ni trop pauvre et ni trop riche. Comme beaucoup d’enfants, il a commencé à jouer au football dans la rue car il n’y avait pas de championnat de jeunes en Côte d’Ivoire. Un jour, une personne se faisant passer pour un agent lui a affirmé qu’il pourrait faire des tests d’entrées dans des clubs français. Ce soi-disant agent l’avait repéré lors d’un match se déroulant dans les quartiers d’Abidjan. Il n’a pas arrêté de lui jeter des fleurs et lui a dit qu’il pourrait faire carrière en Europe. Pour le jeune joueur tout semblait sérieux surtout qu’il disait connaître du monde dans l’Aspire Academy, une académie très connue au Qatar.  

Après quelques mois de discussions, ce faux agent a demandé à Stéphane la somme de 5000 euros et de prendre un billet d’avion pour Paris. Il a alors fait son maximum pour récolter l’argent mais a surtout demandé à sa famille de l’aider. Cela s’est passé en août 2013, il est alors très jeune à ce moment-là et assez naïf. Lorsqu’ils sont arrivés à l’hôtel, l’arnaqueur a prétexté avoir un rendez-vous important, il est parti et n’est plus jamais revenu. Il a laissé Stéphane seul dans un environnement qu’il ne connaissait pas. Lorsque ce malheureux évènement s’est produit, Stéphane a tout fait pour régulariser sa situation en France car il était toujours considéré comme clandestin. Sa famille lui a demandé de rentrer mais il a préféré rester et ne pas baisser les bras. Il a enchaîné les petits jobs pour se faire un peu d’argent et continue à s’entrainer durement pour peut être un jour réaliser son rêve. 

En quête de reconstruction

Après avoir fait face à la réalité, comment font-ils pour ne pas sombrer ? Sans titre de séjour et considérés comme de simples clandestins, comment vont-ils faire pour retrouver un semblant d’espoir ?  

Remplis de regrets et de déceptions, certains d’entre eux rentrent au pays retrouver leur famille respective, s’ils en ont une. Ils étaient partis en messies et reviennent brisés. Ils savent qu’ils doivent se racheter en quelque sorte auprès de leurs parents car certains avaient tout fait pour que le jeune puisse partir pour l’Europe, quitte à vendre des biens précieux. Concernant ceux qui ont décidé de rester en Europe ou qui n’ont pas eu les moyens de rentrer chez eux, une infime partie a eu la chance d’être accueillie par des centres de football où ils sont nourris et logés. Les dirigeants de ces centres s’occupent d’eux comme leurs propres enfants puisqu’ils sont livrés à eux-mêmes dans un pays qu’ils ne connaissent pas. D’autres voyagent entre les centres d’accueils et continuent de s’entrainer et garde espoir même s’ils savent que ça va être difficile. Ils se réunissent entre joueurs qui ont vécu le même cauchemar et se soutiennent les uns les autres afin de ne pas baisser les bras et garder le moral. Et espèrent que leur rêve ne soit pas brisé une seconde fois. 

Toujours une fin triste ?

Fort heureusement, il y a des cas où des jeunes migrants ont la chance d’exploser. Et c’est le cas d’un jeune joueur au destin extraordinaire. Il s’appelle Musa Juwara, il a 18 ans et joue pour l’équipe de Bologne en Série A. Il a marqué il y a tout juste 1 an son premier but contre l’Inter de Milan sur leur pelouse, une immense fierté pour lui en tant que footballeur mais également en tant qu’humain qui a vécu des moments difficiles. Il gagne plus ou moins 3000 euros par mois et se rend à l’entrainement en scooter. Un jeune joueur modeste et prometteur qui a débarqué en Sicile à 14 ans en tant que clandestin et sans famille. 

Musa est né dans une famille très pauvre de Gambie et vivait à Tujereng, un village de quelques milliers d’habitants seulement. Il a abandonné son frère afin de réaliser son rêve de footballeur et c’est notamment grâce à lui qu’il a pu commencer son périple puisqu’il a financé son voyage. Livré à lui-même, il a traversé le désert chaud du Sahara pour finalement arriver en Libye. Il a embarqué à bord d’un bateau et est arrivé en Sicile. A son arrivé, il a montré un papier aux autorités comme quoi il était orphelin et donc sans parents. Un an plus tard en 2017, Musa Juwara, le jeune joueur n’ayant jamais joué dans un club professionnel, a signé à Chievo Vérone. 

Aujourd’hui des cas comme Stéphane il en existe des milliers mais des cas comme Musa très peu. Alors qu’elle est le problème ? La naïveté de ces jeunes remplis de rêves et d’espoir ? Ou la fourberie de ces personnes se faisant passer pour ce qu’ils ne sont pas ? Ce qui est sûr, c’est que le flux de personnes migrants vers l’Europe pour toucher au monde du foot, ne cesse d’augmenter.

Le mieux serait de les encadrer et de les mettre en garde face à ce fléau pour ne pas qu’ils fassent les mêmes erreurs que certains jeunes dans le passé. Mais également de leur faire comprendre qu’un seul « élu » sera choisi parmi des milliers de candidats et que les joueurs escroqués ont du mal à s’en remettre.


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