Presse

Monsieur le Secrétaire d’Etat Francken se sent pousser du zèle

Carte Blanche publié dans le Vif.be le 7 mars 2017

Le 31 mars 2016, le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Theo Francken annonçait sur Twitter, le dépôt d’un projet de loi subordonnant l’octroi d’un droit de séjour à la signature d’une déclaration d’intégration, à grands coups de phrases-choc comme «Wie niet integreert, moet terug». Soit «Celui qui ne s’intègre pas, doit partir».
Après d’intenses débats à la Chambre et un remaniement du texte suite à l’avis du Conseil d’Etat, le texte a été voté le 24 novembre 2016 et publié au Moniteur Belge du 16 janvier 2017.

Un pas a été franchi : le lien entre séjour et intégration est désormais établi.
Dorénavant, l’étranger qui introduit une demande de titre de séjour de plus de trois mois est informé du fait que ses efforts d’intégration seront contrôlés et signe une déclaration par laquelle il indique comprendre les valeurs et les normes fondamentales de la société et qu’il agira en conformité avec celles-ci.
La déclaration devra être signée par l’étranger et transmise avec sa demande, sous peine d’irrecevabilité de celle-ci. Ensuite, pour obtenir le premier renouvellement de son titre de séjour, l’étranger devra apporter la preuve qu’il est prêt à s’intégrer dans la société.
Enfin, dans les quatre années suivantes, l’Office des Étrangers pourra mettre fin au séjour s’il constate que l’étranger n’a pas fourni d’efforts raisonnables d’intégration.
Les critères retenus par la loi sont en particulier (comprenez : notamment) :
– suivre un cours d’intégration
– travailler comme salarié, indépendant ou fonctionnaire
-produire un diplôme, un certificat ou une preuve d’inscription scolaire
– suivre une formation professionnelle reconnue
– connaître la langue du lieu d’inscription
– avoir un passé judiciaire irréprochable
– participer activement à la vie associative.
Il sera également tenu compte de la nature et de la solidité des liens familiaux, de la durée du séjour et de l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec le pays d’origine.
Pour des raisons de répartition de compétences, la déclaration n’entrera en vigueur qu’après concertation avec les Régions et Communautés, puisque son contenu doit être déterminé dans un accord de coopération conclu entre l’Etat Fédéral et les Régions.
Par contre, le contrôle de l’intégration et la possibilité de mettre fin au droit de séjour si les efforts d’intégration sont jugés insuffisants par l’Office des Etrangers sont bel et bien entrés en vigueur ce 26 janvier.
Cette réforme interpelle à plus d’un titre les membres des 8 Centres Régionaux d’Intégration wallons qui œuvrent au quotidien à l’intégration des personnes étrangères.
Parce que l’intégration est une compétence régionale : les parcours mis en place par les 3 régions sont-ils jugés insuffisants ?
De quel droit l’Etat Fédéral peut-il ajouter une condition aux parcours déjà mis en place et juger le travail des régions ?
Ce parcours d’intégration est, chiffres à l’appui, très majoritairement suivi dans la toute la Wallonie par les primo arrivants, que ce soit sur base obligatoire ou volontaire.
Pourquoi le Gouvernement fédéral via son Secrétaire d’Etat Francken, tient-il à supplanter la Wallonie sur un sujet aussi précis et délicat que l’intégration des populations étrangères ?
Pourquoi ne pas avoir proposé et signé un accord de coopération préalable, clair, précis et complet comprenant les modalités, le processus et les critères ?

Dès qu’il s’agit de restreindre les droits des étrangers et de stigmatiser des communautés entières parfois même en ne respectant pas les lois, Monsieur le Secrétaire d’Etat Francken ne respecte aucune frontière, terme pourtant qu’il chérit lorsqu’il s’agit des demandeurs d’asile.

A propos de permis, lui se croit tout permis contrairement au permis de séjour des réfugiés.

Non content de se prendre pour le Ministre de l’Intégration en Wallonie dans le dossier qui nous occupe, ne vient-il pas de déposer un projet de loi sanctionnant les avocats «coupables d’abus de procédure en matière de droit des étrangers» ?
Comme cela été relevé dans les travaux parlementaires, les dispositifs d’intégration risquent de devenir un outil de gestion du séjour plutôt qu’un outil d’émancipation.

Interrogé à la Chambre à ce sujet, Monsieur Francken a répondu sans ambages et non sans une certaine ironie :
«L’octroi de moyens supplémentaires aux entités fédérées n’est nullement à l’ordre du jour. Faut-il accorder un budget parce qu’un accord de coopération doit être conclu sur le contenu de la déclaration des primo-arrivants ?»

  • Parce que l’intégration n’est pas une action à sens unique dans laquelle le seul effort doit venir de la personne étrangère avec des sanctions à la clé, mais un processus réciproque impliquant aussi des efforts de la société d’accueil,
  • Parce que tout en prétendant vouloir intégrer, Monsieur Francken (et le gouvernement) avec sa méthode de communication sensationnaliste, ne fait que stigmatiser,
  • Parce que le Secrétaire d’Etat part du présupposé (du préjugé !) que l’immigration est une menace, que les étrangers n’ont pas les mêmes valeurs que les Belges et ne veulent pas spontanément s’intégrer…ce qui est largement démenti au quotidien par les 8 Centres régionaux et tous leurs partenaires,

Les Centres régionaux considèrent que cette mesure :

  • Accentue l’arbitraire de l’Office des Etrangers,
  • Instrumentalise le parcours d’intégration,
  • Nie sans nuance les difficultés d’accueil, de structure d’intégration et d’emploi présentes en Wallonie,
  • Fait peser la charge de l’intégration et du séjour exclusivement sur les populations étrangères,
  • Élude les réalités que sont les discriminations pourtant largement démontrées,
  • Minimise voire ridiculise les efforts de la Wallonie, certes encore insuffisants mais réels en matière d’intégration,
  • Méprise le travail associatif de terrain.

Et comme à l’habitude place l’ETRANGER en position de bouc émissaire sans nuance, ni respect des importants efforts quotidiens réalisés par ces milliers de primo arrivants pour devenir et rester nos concitoyens.
Il est à nouveau permis de s’interroger sur les motivations réelles de pareille mesure qui sous couvert de volonté d’intégrer cache mal une logique politicienne, démagogique, voire populiste.


Les 8 Centres Régionaux d’Intégration de Wallonie :
pour le Centre Régional d’Intégration du Brabant Wallon (CRIBW), son directeur, Patrick Montjoie
pour le Centre Régional d’Intégration de Charleroi (CRIC), son directeur, Thierry Tournoy
pour le Centre Régional d’Intégration de la province de Luxembourg (CRILUX), son directeur, Nicolas Contor
pour le Centre Régional d’Action Interculturelle de la Région du Centre (CeRAIC), sa directrice, Micheline Liebin
pour le Centre interculturel de Mons et du Borinage(CIMB), sa directrice, Piera Micciche
pour le Centre d’action interculturelle de la province de Namur (CAI), sa directrice, Benoite Dessicy
pour le Centre Régional d’Intégration des Personnes Étrangères ou d’origine étrangère de Liège (Cripel), son directeur, Régis Simon
pour le Centre Régional de Verviers pour l’Intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère (CRVI), son directeur, Farid Nagui, son directeur adjoint, Daniel Martin

Télécharger le communiqué ici!

bouton inscription newsletter cric
bouton webinaire CRIC