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Migration et vieillissement: l’approche interculturelle en vidéo!

Le 10 juin 2015, le CRIC proposait avec le CAL une approche interculturelle de la problématique du vieillissement, un sujet à découvrir en vidéo avec les interviews de Hélène GEURTS (doctorante en gérontologie sociale à l’Université de Mons), de Angelique MAYELE et Cécile MAYEMBE (absl Manguier en Fleurs).

Migration et vieillissement : un processus à encadrer parce que le vieillissement n’a pas de frontière

Le vieillissement des populations est un phénomène planétaire sur lequel nombre d’experts se penchent désormais. Mais lorsqu’il intervient en situation migratoire, ce vieillissement revêt des dimensions particulières qu’il convient de prendre en compte, tant chez les intervenants de l’accompagnement des personnes âgées que parmi les professionnels de la fin de vie. Le CRIC (Centre régional d’intégration de Charleroi) a organisé le 10 juin 2015, en compagnie de la régionale du CAL (Centre d’action laïque), un colloque sur ce thème intitulé « Migration et vieillissement : approche interculturelle ». Avec pour ambition de faire le point sur la prise en charge de cette nouvelle donne interculturelle de l’aide aux seniors.

Appuyés par les multiples témoignages d’opérateurs spécialisés en encadrement de personnes âgées et en soins palliatifs, et de responsables de projets associatifs destinés aux seniors, l’exposé donné conjointement par Hélène Geurts, doctorante en gérontologie sociale à l’Université de Mons, et Carine Merjarec, coordinatrice de l’asbl A.I.O. (Association pour l’innovation en orthopédagogie) a dressé les contours des spécificités de la population migrante dans le contexte du vieillissement. Un double regard qui a souligné la nécessité d’une approche positive de la question et d’une collaboration active avec les personnes âgées concernées.

Valoriser la mosaïque multiculturelle et multigénérationnelle

Selon Hélène Geurts, la particularité de la population âgée en situation d’immigration est sa double fragilité liée à son vieillissement et à son déracinement. En Belgique, terre d’immigration, les populations migrantes sont arrivées pour une double raison : combler le déficit de main-d’œuvre du pays et solutionner le problème… du vieillissement de la population. Près de 70 ans après les premiers accords bilatéraux, c’est donc fort logiquement au tour de ces personnes d’être confrontées à la question du vieillissement. Symptôme de ce phénomène, l’écart entre l’âge moyen de la population belge et celui de la population étrangère installée sur le territoire est passé de 10 ans, il y a quelques années encore, à 3,7 ans en 2013. Cette participation au processus de vieillissement pose, dès lors, tout naturellement le défi de son accompagnement.

Mais quelle est la spécificité du vieillissement en situation migratoire ? D’après la chercheuse, le migrant âgé vit généralement une situation plus négative que son homologue belge moyen. Celle-ci est caractérisée par un déclin plus important de la santé (dû à une plus grande pénibilité de travail durant la carrière professionnelle), par un éloignement du pays d’origine vécu comme plus douloureux, par un recours plus limité aux aides extérieures (par habitude culturelle, par méconnaissance ou par méfiance) et par un manque de préparation des maisons de repos à la prise en charge de cette population. Différents obstacles s’érigent alors dans la relation avec les migrants âgés : la barrière de la langue qui s’accroît (la maladie d’Alzheimer se caractérise, par exemple, fréquemment par un retour à la langue du pays d’origine), le deuil du retour fantasmé au pays, un repli sur la cellule familiale, un isolement accru, des pathologies lourdes provoquées par les professions exercées, une plus grande fragilisation économique et l’impératif de la fidélité aux rites funéraires de la communauté d’origine.

Face à ces paramètres, Hélène Geurts recommande sans surprise d’adapter les structures et les aides existantes à la dimension multiculturelle, d’imaginer des habitats novateurs alternatifs par rapport aux maisons de retraite « classiques », d’adapter les pratiques aux rites funéraires allochtones, de favoriser la communication et l’apprentissage de la langue, de créer des espaces intergénérationnels interculturels et de désigner des personnes-relais habilitées et formées à faire le lien avec ces migrants âgés. Une palette de mesure destinées à franchir le pas de l’intégration vers l’inclusion sociale et de réhabiliter la richesse de la mosaïque multiculturelle et multigénérationnelle de la société.

Oser l’innovation sociale

De son côté, Carine Merjarec a inscrit la question du vieillissement dans une perspective d’innovation sociale. L’idée centrale est de proposer de nouvelles formes d’organisation et d’interaction pour répondre à des demandes sociales sans réponse sur le marché. Cette notion repose sur le concept d’« empowerment » qui peut se définir comme « le pouvoir de gouverner sa propre vie ». Elle sous-tend l’implication active des personnes concernées (dans le cas d’espèce, les migrants âgés) et le passage d’une situation de vulnérabilité à un contexte autonomisant en partant des forces de la personne. Le double objectif de promouvoir l’émancipation sociale et la qualité de vie s’enracine dans quatre principes : la participation, les compétences, l’estime de soi et la conscience critique.

La participation aux décisions requiert des dispositifs et des lieux permettant aux migrants âgés d’être acteurs et implique d’amener ceux-ci à se sentir concernés et à croire que le changement est possible. Elle suppose également la reconnaissance de droits à ces personnes, en priorité le droit de parole et le droit d’être entendu. Les compétences, appréhendées comme vecteurs d’intégration, incluent des pistes comme l’apprentissage de la langue française, l’utilisation de nouveaux moyens d’apprentissage (par pictogrammes, par listes, etc.) et le développement de capacités psychosociales.

L’estime de soi s’inscrit, quant à elle, dans trois dimensions : l’autoreconnaissance de la légitimité de son identité propre (autrement dit, l’amour de soi), l’autoreconnaissance de sa propre compétence (la vision positive de soi) et la reconnaissance de sa compétence par les autres (confiance en soi). Et enfin, la conscience critique allie elle aussi trois aspects : la conscience collective (la personne âgée migrante n’est pas la seule à avoir un problème, c’est un problème collectif), la conscience sociale (l’articulation entre problèmes individuels et problèmes collectifs) et la conscience politique.

Concrètement, ces quatre axes de travail peuvent déboucher sur des pistes d’action très simples : par exemple, la participation via un conseil des résidents d’une maison de repos, les compétences par l’apprentissage et l’adaptation, l’estime de soi par la motivation et la persévérance, et la conscience critique à travers un conseil consultatif des immigrés. Question spécifique pour une population spécifique au départ, la problématique du vieillissement en contexte migratoire intègre donc, en fait, des défis sociétaux qui dépassent largement son cadre.

un article de Dominique Watrin (chargé de communication du DISCRI)

 

Un projet multiculturel pilote au CPAS de Mons

Les projets centrés sur les migrants âgés commencent à émerger en Wallonie et celui mené, entre 2010 et 2014, par le CPAS de Mons peut faire office de symbole de l’attention accrue des professionnels pour la problématique du vieillissement des migrants. Selon Yvonne Simeone, chargée de la coordination de ce projet pilote, plusieurs étapes ont été nécessaires dans ce travail : sensibiliser, identifier les freins, leviers et ressources des personnes, proposer une formation, mettre en place des expériences pilotes et étendre la sensibilisation à toute la région de Mons-Borinage.

Sur le plan pratique, différentes actions ont été menées. La formation du personnel à la communication interculturelle, incluant son initiation à la culture des pays d’origine des résidents et le recensement des langues étrangères parlées en son sein afin de permettre un dialogue plus aisé avec les personnes âgées. Cette dernière mesure a eu un double impact positif : une communication et un bien-être supérieurs du côté des migrants âgés, et une valorisation du personnel et des cultures existantes en son sein. Autre mesure : la réalisation avec les personnes âgées de pictogrammes apposés dans la maison de repos afin de permettre une communication et une compréhension plus aisées.

Le projet a aussi débouché sur un guide des bonnes pratiques multiculturelles et sur une fiche informative personnalisée pour chaque personne âgée. Celle-ci inclut ses pratiques en matière d’hygiène, son style vestimentaire, ses pratiques et intolérances alimentaires (la personne qui a bu du thé durant toute sa vie, parce que ça fait partie de sa culture, peut ainsi continuer à en boire au lieu de se voir servir du café), sa notion de temps, son espace vital (rapport au toucher, à la bise…), ses relations familiales (contact avec les enfants, la famille élargie…), ses rites funéraires en cas de décès (implication du représentant religieux, cérémonie, inhumation…), etc.

D. W.

Plus d’infos : http://www.cpas.mons.be/services/pole-daccueil-social/actions-passes/immigration-et-vieillissement-en-reflexion-a-mons

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